Campus Numeria : réunir trois mondes, lʼéducation, le digital et lʼarchitecture
Dans le cadre de son numéro spécial sur le Campus Numeria, idruide a interviewé Laurent Roudil, Directeur de lʼagence ReMIND Architecte.
Lʼune des particularités du projet Campus Numeria est de réunir trois mondes, lʼéducation, le digital et lʼarchitecture, pour accompagner la jeunesse à grandir dans le monde numérique. Il était donc nécessaire pour développer un tel projet dʼavoir des partenaires transverses sur ces trois disciplines. Lʼagence dʼarchitecture ReMIND, basée en Savoie, sʼinscrit pleinement dans ce cadre : son nom fait référence au souvenir et à la mémoire, mais aussi à une approche plus prospective, dans lʼidée de repenser et réinterroger la conception. Le hasard nous a amenés sur ce projet où la requalification du bâtiment Astra, iconique du parc du Futuroscope, doit, 40 ans après sa création, se renouveler. Nous ne pouvions pas espérer de projet plus en adéquation avec notre expérience.
En 2021, jʼai lancé une nouvelle structure, En3D, pour explorer lʼutilisation du digital — captation, modélisation puis restitution 3D (impression, VR…). La question du sens de lʼapport du numérique dans nos pratiques au quotidien reste une thématique forte, que lʼon retrouve dans le projet Campus Numeria.
Enfin, sur le dernier volet, auquel jʼétais déjà sensibilisé par mon environnement familial, jʼai conçu différents projets dʼarchitecture autour de lʼéducation : centre de formation, crèches, écoles et collèges. Ces différentes expériences et cette diversité de points de vue mʼont donné une lecture assez riche de cet environnement dʼune densité rare. Un travail complexe de structuration des acteurs, brillamment réalisé par Marie Brégeon, a permis petit à petit de concrétiser le projet pédagogique et dʼaboutir aux parcours qui seront proposés au campus.
Pour un architecte, cʼest toujours une chance de poursuivre lʼhistoire dʼun bâtiment emblématique. Dans un premier temps, il a fallu se documenter au maximum pour remettre à jour les composantes initiales de conception de Denis Laming, lʼarchitecte qui a réalisé Astra. Par ailleurs mon périmètre dʼintervention ne couvrait pas lʼensemble du bâtiment : le campus sʼinscrit sur la totalité du niveau inférieur, laissant le niveau supérieur, composé principalement du volume de la grande verrière, au parc. Le principal enjeu a donc été de préserver et de valoriser les éléments de composition dʼorigine comme les axes de symétrie, les fortes oppositions (plein/vide, lourd/léger, affiché/caché…), tout en donnant au campus les qualités dʼespace nécessaires à lʼinstallation de sa programmation.
Des grands principes et des attentes nous ont été transmis par le comité de pilotage, appelant de notre part écoute et souplesse pour trouver les meilleures réponses afin dʼaligner la programmation et le bâtiment. Parmi les prérequis, un volume suffisant pour accueillir un petit amphithéâtre ; et la coloration très forte de chacun des espaces, pour faire ressortir cette notion de parcours, qui appelle à spécifier fortement les salles et leurs activités dédiées — réalité virtuelle, Lab…
La demande du consortium était aussi celle dʼun bâtiment évolutif, en termes de parcours et dʼusages futurs, ce qui a impliqué une réflexion poussée sur les agencements. Nous avons privilégié une logique de boîte à outils, dans lʼidée de déclinaisons à lʼinfini de lʼutilisation des espaces, modulables et flexibles.
Une autre clé dʼentrée, dans notre travail de conception, concernait les dispositifs immersifs, qui devaient être compatibles avec le bâtiment existant. Il a fallu en tenir compte pour dimensionner au mieux les outils. Lʼintérêt dʼun tel projet réside notamment dans sa démarche itérative : une demande basée sur des technologies support, et la possibilité ou non de la concrétiser. Des alternatives peuvent toujours être proposées, mais il faut prendre en compte un certain niveau dʼadaptabilité au réel. La force de la collaboration permet de contourner les contraintes et de trouver des réponses fonctionnelles satisfaisantes.
Lʼespace central représentait un enjeu complexe et majeur dʼévolution : au départ, il a été conçu de manière unitaire, alors que le projet impliquait de différencier deux programmations — celle du premier niveau, et les activités complémentaires au niveau supérieur, avec un grand hall commun mettant le plus fortement possible en communication ces deux niveaux. La difficulté, dans ce cas, consiste à identifier une solution opérationnelle tout en restant respectueux de la conception originale, pour maintenir sa cohérence. Il sʼagit in fine de partir dʼune composition dʼorigine pour lui redonner du sens et une logique en phase avec lʼévolution programmatique.
Dʼabord, la confirmation que pour de tels projets, lʼécoute, la compréhension et les consensus doivent aller de soi. Aucun des acteurs nʼa souhaité sʼimposer : nous étions plutôt dans un travail de conception partagé, collaboratif. Les contraintes déjà nombreuses, données par le site ou la réglementation, ne pouvaient souffrir dʼune programmation trop rigide qui aurait été de fait en conflit avec lʼenvironnement bâti.
Il était important de ne pas être anachronique et dʼapporter une réponse en cohérence avec notre temps : considérer les questions de la pérennité des ouvrages, de lʼimpact environnemental, de la qualité dʼusage, de la réversibilité des interventions… Ce projet se veut donc prospectif tant dans sa destination à venir que dans le processus qui a permis de le mettre en place.
Je retiens aussi la qualité humaine et relationnelle de tous les interlocuteurs. Un grand projet, cʼest dʼabord une question de personnes, de partenaires et dʼintervenants, dʼéchanges. Le contexte idéal, en tant quʼarchitecte, est de sʼinscrire dans un environnement dʼécoute et de partage, avec des passionnés de leur sujet. Un mélange de personnalités, une synergie de motivations et dʼexpertises. La nature dʼun projet est dʼautant plus fédératrice quʼil porte une forte ambition, comme avec le Campus Numeria.
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