Campus Numeria : le geste éducatif questionné par la technologie
Dans le cadre de son numéro spécial sur le Campus Numeria, idruide a interviewé Marie-Caroline Missir, Directrice générale de Réseau Canopé.
Ce projet va au-delà. En réalité, quand je suis arrivée en 2020, le ministre de lʼÉducation nationale, Jean-Michel Blanquer, avait affirmé sa volonté de faire de Poitiers la capitale de lʼéducation, autour notamment du Futuroscope, dont le rayonnement est très important. Nous avons donc travaillé autour de cette idée de capitale de lʼéducation au cœur de la France. Campus Numeria concrétise donc cette promesse en réunissant les acteurs de lʼéconomie de la connaissance, des institutions, des EdTechs et, bien entendu, le Futuroscope, qui héberge cette idée unique, dédiée à un thème fondamental pour les enseignants comme pour les élèves.
Avec ce projet, Poitiers est donc, de fait, la capitale de lʼéducation en France. Une fois inauguré, cet espace inédit favorisera des expériences exclusives autour du digital, de la formation, des divertissements ou encore de la découverte de la tech. Tout cela a exigé un travail de réflexion intense mais également un alignement de multiples agendas de toutes les parties prenantes ayant des contraintes extrêmement variées. Les temporalités des acteurs publics, privés ou associatifs sont, en effet, très différentes.
Nous apportons des ressources et des formations aux enseignants sur des thèmes très variés, qui vont du bien-être numérique à la cognition, en passant par la robotique ou la trace numérique. Nous leur mettons bien entendu à disposition tous nos programmes déjà existants et avons mis en place des équipes dédiées au site, notamment au sein de la direction territoriale de Canopé Nouvelle-Aquitaine. Cette initiative a donc une vocation territoriale mais pas seulement.
Le fait que la direction soit confiée à la préfecture indique clairement que lʼensemble sʼinscrit dans une dynamique territoriale très forte. Mais le soutien du Secrétariat général pour lʼInvestissement (SGPI) constitue aussi un signe fort des ambitions portées, à travers les dispositifs CMA ou Innovations dans la forme scolaire, opérés par la Caisse des Dépôts. Du fait de lʼattractivité du Futuroscope, nous pouvons considérer que le rayonnement sera national et international, étant donné la qualité du projet.
Nous proposons des parcours de formation sur la réalité virtuelle pour les enseignants de lycées professionnels ou des programmes sur lʼutilisation de lʼIA. Nous vivons une accélération technologique unique avec lʼarrivée dans notre quotidien de nouvelles technologies dans leur version générative, qui questionne le geste éducatif. Auparavant, nous apprenions aux élèves à répondre aux questions. Désormais, ils devront poser des questions et aller plus loin dans leur cheminement intellectuel.
Aujourd’hui, 16 000 enseignants ont suivi nos formations sur le thème des IA génératives, avec un vrai intérêt et une véritable curiosité. Un opérateur comme nous se doit évidemment de former aux IA et de proposer des contenus à la communauté éducative.
Ce qui est remarquable, c’est que notre offre n’a pour le moment fait lʼobjet dʼaucune publicité particulière, ni de prescription, et a pourtant été largement suivie. Ce qui est au fond assez normal : quand les enseignants constatent quʼil se passe quelque chose dans la vie de leurs élèves, ils cherchent à comprendre pour mieux les évaluer, transmettre les connaissances ou revoir si nécessaire leur posture dʼéducateur.
Ce mouvement témoigne dʼun vrai appétit mais aussi dʼun besoin de fixer un cadre ou une certaine éthique. Les enseignants souhaitent aussi découvrir lʼapport dʼun nouvel assistant pédagogique qui leur permettra de gagner du temps et de se consacrer à leur cœur de métier plutôt quʼà des tâches répétitives ou fastidieuses.
Je pense que la formation est centrale. Il est nécessaire de créer des espaces pour confronter ses propres usages et questionner les collègues. Gardons tout de même en tête quʼil ne sʼagit que dʼoutils. Dans un monde où nous serons entourés dʼIA, où il faudra dialoguer avec des robots, la mission de lʼenseignant sera de faire grandir les compétences humaines des apprenants par rapport à la machine. Quʼest-ce qui nous distingue ? Empathie, collaboration, créativité… Cela rend le métier dʼenseignant encore plus passionnant, mais aussi très exigeant. C’est un véritable défi pour lʼéducation dʼaujourd’hui et de demain.
Quand on voit comment ces technologies fonctionnent, il ne faut pas perdre de vue que les fondamentaux sont des compétences élémentaires : langage, questionnement, raisonnement, etc. Le corpus de compétences demeure quoi qu’il en soit. Ce qui évolue en revanche, ce sont les biais des machines, avec les hallucinations, les réponses fausses, la crédibilité des bases de données… Il est donc nécessaire de disposer dʼoutils européens, souverains. Sachant quʼun autre risque peut survenir, celui dʼune vraie inégalité entre ceux qui savent travailler avec ces outils et ceux qui les subissent. Dʼoù la nécessité de former pour garantir une égalité dʼaccès et de compréhension de ces technologies.
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