Le projet des territoires numériques éducatifs a vu le jour à la rentrée 2020. L’expérimentation s’est en premier lieu faite sur deux départements, l’Aisne et le Val d’Oise. Le ministère de l’Éducation nationale a souhaité tester un déploiement d’équipements numériques, de contenus pédagogiques et des formations des professeurs et des familles à grande échelle.
Ce programme a pour but de contribuer à la transformation du système éducatif français afin de répondre aux enjeux du XXIe siècle. Plusieurs organisations sont partenaires du projet, notamment le réseau Canopé ou encore la Caisse des dépôts. En octobre 2021, le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé que 172 M€, répartis sur trois ans et issus du programme d’investissements d’avenir (PIA), y seront consacrés.
Au printemps 2021, la liste des départements concernés s’est agrandie, portant leur nombre à douze territoires. Les Bouches-du-Rhône, le Cher, la Corse-du-Sud, le Doubs, le Finistère, la Guadeloupe, l’Hérault, l’Isère, la Vienne et les Vosges viennent rejoindre l’Aisne et le Val d’Oise.
La crise sanitaire a révélé la nécessité de disposer d’outils numériques et d’une formation adéquate pour assurer la continuité pédagogique en cas de rupture des enseignements en présentiel.
En effet, grâce aux différents éléments de la classe mobile nouvelle génération, les enseignants ont pu assurer leurs cours à distance. Toutefois, dans certaines régions, la continuité pédagogique a été entravée par la fracture numérique.
Le premier confinement a souligné les inégalités entre élèves, entre familles, et parfois même entre professeurs, en fonction de leur degré d’appropriation et d’accès au numérique.
À partir de ce constat, le projet des territoires numériques éducatifs s’est donc fixé plusieurs objectifs. Parmi eux, la nécessité de répondre aux impératifs de la continuité pédagogique et la réduction de la fracture numérique. Sans oublier l’augmentation des moyens mis à disposition de l’éducation et de ses acteurs pour innover et transformer les usages pédagogiques.
L’ambition consiste à actionner de manière concertée l’ensemble des leviers de l’éducation au et par le numérique. Cela passe par la mise à disposition d’équipements, mais aussi d’un accompagnement, de formations adaptées et de ressources pédagogiques.
Les mesures clés des territoires numériques éducatifs
Les territoires numériques éducatifs reposent sur huit mesures coordonnées, en faveur de l’enseignement public et de l’enseignement privé sous contrat :
Pour réussir sa transition numérique, il est en effet essentiel de prendre en compte l’écosystème complet de la pédagogie numérique, ce que le projet TNE a bien intégré.
Au-delà de l’aspect matériel, celui-ci concerne les logiciels qui donnent vie aux appareils, comme les solutions de gestion de classe, opérationnelles en présentiel comme en distanciel, ou encore les outils de filtrage web. Ceux-ci doivent garantir la protection des élèves lorsqu’ils naviguent sur Internet, afin de leur éviter d’accéder à des contenus inappropriés.
La formation est tout aussi essentielle, pour garantir la prise en main des appareils et de leurs solutions par les utilisateurs. Pour chaque projet, chaque partenaire, le suivi doit être assuré jusqu’à la réussite pérenne de la transition numérique.
Selon Emmanuel Page, directeur du projet TNE au réseau Canopé : « L’enjeu premier de la réussite de ce projet, c’est bien la réussite des utilisateurs. Cela passe par un meilleur usage du numérique, afin de faciliter la vie de l’enseignant et de lui permettre d’incorporer le numérique dans son programme pédagogique. »
Cela passe notamment par un dialogue constant entre les différents acteurs du plan. Il est ainsi nécessaire de prendre en compte l’ensemble des besoins des utilisateurs, tout en s’adaptant en fonction des spécificités de chaque territoire.
« Pour aller loin et sur la durée, il y a un besoin impératif de travail en commun, d’amener les différents acteurs autour de la table pour échanger, s’écouter », explique Emmanuel Page. « Il s’agit de pousser plusieurs organisations à entamer une réflexion commune, puis de se lancer dans une dynamique de transformation pour sortir du système cloisonné actuel. Il est important d’avoir une diversité d’opinions, une indépendance d’esprit, une décentralisation, et surtout de la co-construction pour des projets de cette ampleur. À plusieurs, on permet d’agréger les propositions de chacun ! ».
Sur les deux premiers départements de l’expérimentation, l’Aisne et le Val d’Oise, Canopé et les enseignants des établissements concernés ont construit ensemble des espaces de formation pour orienter la prise en main du matériel. Cela a nécessité de rassembler l’ensemble des acteurs, au niveau pédagogique, administratif, politique, ou encore technologique.
Dans l’Aisne notamment, la Délégation académique au numérique éducatif (DANE) a pris l’initiative avec Canopé de fédérer ces acteurs sur la mise en place concrète du dispositif TNE dans le département. Cela permet d’avoir un cadre commun à partir duquel traduire le projet dans les faits. C’est l’un des principaux enseignements qui a été retenu de l’expérimentation : « Il faut organiser un temps de rassemblement pour lancer et co-construire la façon dont TNE va se déployer sur l’ensemble du territoire », confirme Emmanuel Page.
Claudie Martens, directrice à la Trousse à projets, explique que dans les TNE, l’objectif de son organisation est d’accompagner les parents les plus éloignés des usages numériques scolaires vers de plus grandes compétences et une meilleure connaissance de ce domaine.
« Il faut que les parents soient liés et impliqués dans l’accélération de la transition numérique, sinon les élèves vont rester sur le carreau », détaille-t-elle. « L’Éducation nationale ne peut pas tout faire. Il faut donc de la médiation numérique pour sensibiliser les parents. Cela passe notamment par les acteurs de la parentalité dans les territoires : les centres sociaux, les collectivités, etc. Dans les départements tests, tous ces acteurs ont travaillé ensemble pour accompagner les parents. »
Cette offre d’accompagnement doit être adaptée localement, car certains élèves ont un ENT, d’autres non. « Il faut un accompagnement spécifique, et cela se construit par des réunions des acteurs de l’écosystème du numérique éducatif et une véritable coopération », conclut-elle.
Les apports de la recherche peuvent eux aussi renforcer les méthodes pédagogiques. Ainsi, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) n’est pas intégré directement dans TNE, mais il se place à la pointe dans la stratégie d’accélération du numérique dans l’éducation.
Pour Muriel Brunet, responsable du programme Éducation et Numérique Pilote pour INRIA, la recherche est « un axe de collaboration très concret avec les TNE, notamment pour savoir comment mieux réussir à former les enseignants au numérique et aux nouveaux usages pédagogiques induits par ces nouvelles technologies ».
Il existe en effet tout un travail scientifique autour des données et des intelligences artificielles sur les usages des enseignants et des élèves. « Cela doit permettre de réussir à identifier les indicateurs qui vont aider Canopé à mieux cibler ses missions, la DNE à mieux élaborer ses outils, la Trousse à projets sur les meilleurs moyens d’impliquer les parents, etc. Les TNE sont des terrains idéaux pour mettre en place cette collaboration et cette co-construction ! », se réjouit Muriel Brunet.