« La culture numérique, au service de choix basés sur les usages et finalités pédagogiques »

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Dans le cadre de sa publication spéciale sur la souveraineté numérique, idruide a interviewé Marc Neiss, Directeur de région académique du numérique pour l’éducation de la Région académique Sud.

C’est une question qui, avant tout, concerne tout citoyen. Nous avons la chance de bénéficier d’une institution comme la CNIL, qui offre un cadre protecteur depuis plus de quarante ans. Pourtant la dimension de protection des données ne faisait pas partie, jusqu’à récemment, du paradigme de l’enseignement ; elle se pose de plus en plus avec la montée en puissance du numérique, pour un certain nombre d’usages, et appelle donc une accélération en termes de développement des compétences. La crise sanitaire et les confinements, en particulier, ont mis au premier plan la protection des données lorsque les enseignants ont mobilisé des outils qu’ils connaissaient, mais qui n’étaient pas forcément les plus respectueux. Ce contexte a contribué à une certaine prise de conscience, portée par les DRANE et les personnels d’encadrement.

La problématique se joue sur trois niveaux. D’abord, le contexte législatif, avec un cadre institutionnel basé sur la règlementation RGPD, qui entre parfois en contradiction avec certaines pratiques de terrain. Ensuite, le plan institutionnel : les DRANE, personnels d’encadrement, administratifs et d’enseignement, doivent embrasser cette dimension dans leurs modes de fonctionnement, la mettre au centre des usages. Enfin, la posture éducative de tout un chacun, qui renvoie à l’utilisation des outils et à leur impact sur les choix pédagogiques.

Il faut déjà expliquer le concept pour leur permettre d’en comprendre le sens et se l’approprier, car la souveraineté numérique peut avoir des conséquences sur les pratiques professionnelles. Le préalable consiste donc à favoriser l’acculturation, notamment la sensibilisation à la masse de données à caractère personnel que l’on traite en tant qu’enseignant. C’est sur cette base que l’on peut commencer à aller plus loin, en se posant une question cruciale : comment décliner la souveraineté numérique dans chacun de nos champs professionnels ? L’implication et l’enjeu ne seront pas les mêmes à l’échelle du ministère de tutelle qu’à celle de la région académique, de l’établissement ou de la salle de classe.

Le choix des outils implique de s’intéresser à l’écosystème numérique : celui-ci est-il entre les mains de l’enseignant ou de l’institution ? Comment s’intègre-t-il dans le prisme de la liberté pédagogique ? Ou celui de la protection des données ? En quoi opter pour tel outil oblige-t-il à entrer dans un modèle d’environnement, voire dans un schéma de pensée, qui pourrait limiter la liberté pédagogique ? Faire un choix implique d’avoir conscience de ses impacts potentiels.

Le rôle des DRANE consiste à s’emparer de cette notion de souveraineté nationale en tâchant de proposer des alternatives, d’aussi bonne qualité, aux outils des GAFAM. Tout en sensibilisant la communauté éducative à l’importance de partir de l’intention pédagogique, pour choisir les outils appropriés – et non l’inverse. Sinon, on prend le risque de créer un besoin avec la technologie.

Par la sensibilisation et la formation continue, un pilier central du développement de cette culture, pour les enseignants mais aussi les cadres administratifs, les parents, etc. Il faut également miser sur l’autoformation, c’est-à-dire chercher l’information pour augmenter ses compétences professionnelles.

Un autre levier concerne l’offre de produits, les ressources auxquelles on a accès pour développer et faire vivre la culture numérique. Il y a actuellement une demande forte pour des solutions digitales souveraines, pertinentes, efficaces. Cette orientation est inscrite dans la stratégie numérique du ministère.

Enfin, le troisième pilier est l’engagement de l’ensemble de l’écosystème éducatif – des collectivités territoriales en passant par la recherche ou les EdTech. Il est nécessaire de partager les enjeux stratégiques et de synchroniser les efforts de tous les partenaires, afin de favoriser cette culture numérique en action, sur le terrain. L’implication de toutes les parties prenantes dans la démarche, et la co-construction des réponses, ouvrent la voie à des gains à la fois de temps et d’efficacité.

Quand on évoque les données à caractère personnel avec les enseignants, nombre d’entre eux ont le sentiment d’être bridés. Cette réaction rappelle l’importance de revenir aux fondamentaux, ceux d’un règlement RGPD protecteur et responsabilisant, pour repenser la manière dont ils peuvent travailler dans ce cadre. L’enseignant doit accepter d’endosser cette responsabilité, en pensant aux usages avant de s’intéresser aux outils. Peu à peu le caractère inhibiteur s’efface, et la communauté éducative peut alors s’emparer des atouts des technologies avec le prisme des bénéfices pédagogiques.

Le facteur humain reste la faille la plus importante, elle est inhérente au métier de pédagogue. C’est l’attitude de chacun face à l’outil qui reste le principal point de vigilance, même avec un écosystème numérique souverain, sécurisé, conforme à la règlementation et fourni par le ministère.

Nombre d’enseignants pensent que la pseudonymisation est la solution à privilégier pour être conforme avec le RGPD. Or un prénom associé à la première lettre du nom ne peut suffire quand d’autres données restent présentes – par exemple, la classe de l’élève, la ville où il habite, etc. – et peuvent être recoupées. Même l’anonymisation complète n’est pas toujours une garantie suffisante, si l’élève présente des éléments distinctifs, comme des préférences religieuses. On en revient toujours au principe de précaution dans le développement de la culture numérique : la souveraineté est moins une question sociétale que technique. Nous avons besoin d’un écosystème qui nous permet d’agir de manière éclairée.

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Un article de idruide publié le 23 Août 2023
Remerciements & Crédits idruide remercie chaleureusement M. Marc Neiss. Journaliste : M. Gilles Marchand.
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