L’inclusion dans le numérique éducatif

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Interview Pascale Gélébart, directrice de la communication, Pôle Éducation & Référence EDITIS, parle de l’inclusion dans le numérique éducatif. 

Le mot inclusion revêt plusieurs sens. Il y a l’inclusion au sens des élèves en situation de handicap, où l’on utilise des fonctionnalités numériques pour leur permettre d’accéder à des choses difficilement accessibles autrement. Je pense notamment aux dyslexiques. 

Nous savons par exemple qu’une mise en page complexe, des lignes trop serrées, des interactions texte/images trop complexes, des éléments trop mobiles sur un écran, ne sont pas ou très difficilement compréhensibles pour ces élèves. 

Il faut donc pouvoir adapter les mises en page, par exemple en proposant une typographie spéciale ou un fond d’une couleur et des lignes d’une autre couleur. Dans ce contexte, le terme « inclusif », pour nous, c’est plutôt : « que faisons-nous pour accompagner ces élèves en situation de handicap ? ». Souvent, il s’agit de penser, dès la conception de nos ouvrages, à des options qui permettent de mettre en œuvre des fonctionnalités différentes comme le text to speech ou la possibilité de dissocier texte et image, notamment, sur des interfaces variées (tablettes et ou ordinateurs).  

L’inclusion avec le numérique éducatif devient alors un ensemble de fonctionnalités qui permettent à tous d’accéder aux mêmes contenus, avec des chemins différents. 

Mais l’inclusion, c’est aussi l’acculturation, c’est-à-dire se départir d’une utilisation uniquement « servile », sans comprendre ce que l’on fait, pour acquérir la maîtrise de ses usages du numérique

Ces compétences se travaillent dès la petite enfance. Il faut notamment informer les parents sur ce qu’il se passe au niveau des neurones et des fonctionnalités du cerveau, lorsqu’un petit est face à un écran afin qu’ils mesurent l’impact de l’utilisation de ces interfaces sur le développement neurologique. Il est important de prendre conscience des usages pertinents ou non pertinents du numérique.

Ensuite, en maternelle, il faut arriver avec des applications qui permettent à l’enfant lui-même de comprendre ce qu’il fait. 

Le numérique en soi n’est ni bon, ni mauvais : un usage à bon escient et avec une finalité clairement identifiée détermine sa pertinence. Tout ce que nous voulons faire, développer, c’est en regard de la construction de l’enfant. Le but est d’avoir un enfant qui sera parfaitement inséré dans la société, qui comprend les implications de ce qu’il fait, et qui maîtrisera les traces numériques qu’il laisse…

Nos auteurs sont des professeurs en exercice et nous travaillons aussi avec des neuroscientifiques, et, plus largement, avec tout l’écosystème de la recherche autour de l’évolution des enfants. Cela nous permet de nous caler de manière dynamique avec l’évolution des générations, car les enfants d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes qu’il y a 10 ans, 20 ans… On observe par exemple une rupture majeure avec l’arrivée de l’iPhone, après 2007. 

Il faut apprécier la façon dont les générations évoluent et comment elles évoluent. Il ne faut pas oublier non plus que les adultes n’ont pas du tout la même notion du temps que les enfants et les adolescents (un an de la vie d’un enfant de 6 ans, c’est un sixième de sa vie : cela représenterait 5 ans de la vie d’un adulte de 30 ans, proportionnellement), il faut donc savoir gérer ces temps relatifs. 

Nos auteurs sont habitués à gérer des hétérogénéités de niveau. C’est d’autant plus vrai en primaire, avec des enfants nés en début ou fin d’année. Le niveau de développement est différent. 

En primaire notamment, il y a énormément de pédagogie sur différents niveaux. Un ouvrage de CE2, va « tuiler » sur les fondamentaux du CE1, pour s’assurer que tout le monde suive, possède les bases, avant de commencer le programme de CE2. Toutes les ressources sont conçues comme ça, en écailles de poisson. On ne peut construire quelque chose de solide que si les bases sont acquises. Sinon, on creuse les différences. 

Le numérique permet de varier les exercices en fonction des élèves. Ça peut être la même nature d’exercice, mais on peut le décomposer et le moduler jusqu’à ce que l’élève acquière les notions souhaitées. On peut ensuite pousser un exercice avec des compétences supplémentaires, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’élève récupère le niveau général. Les élèves travaillent ainsi en même temps, mais avec des exercices différents, adaptés à leurs besoins. 

Le regard des pairs est important, surtout à cet âge. Il faut éviter que l’élève soit stigmatisé à cause de son niveau, ou qu’il se perçoive comme « moins bon » que ses camarades. À partir du moment où l’élève est sur une tablette, les autres ne regardent pas ce qu’il fait dessus, chacun est sur son appareil. 

L’enseignant peut combler les lacunes d’un élève en activant des séquences de remédiation de l’élève, sans même que celui-ci ne s’en rende compte, car, à l’instar de tous ses camarades, il est en train de faire un exercice sur son appareil. Le professeur commence souvent par des exercices simples, ce qui permet de mettre l’enfant en confiance et en situation de réussir la suite, puis monte progressivement le niveau. 

On s’intéresse aussi à la logique du jeu vidéo, l’idée de récompense : on gagne quelque chose en fonction des niveaux qui augmentent. C’est très motivant pour les élèves, ça accroche l’attention et l’engagement. Au-delà de l’architecture pédagogique et didactique, l’environnement ludique donne envie à l’élève de s’y plonger.

Pour le professeur, le numérique et les outils de gestion de classe virtuelle libèrent du temps, notamment pour la correction, en l’automatisant. En fonction du taux d’échec ou de réussite rapidement appréhendé grâce à ces corrections rapides, l’enseignant peut proposer autre chose, choisir d’avancer ou d’approfondir un thème.

Il faut absolument déconstruire les stéréotypes sur le numérique pour que les filles y accèdent en plus grand nombre. Il y a encore beaucoup la culture du « c’est pas pour les filles ». Nous rafraîchissons donc la mémoire de tous en citant les pionnières de l’informatique dans nos manuels, et leur contribution majeure aux progrès des ordinateurs tout au long du XXe siècle ! 

Quand nous discutons avec nos auteurs, il en ressort que certaines situations dans les classes reflètent aussi des stéréotypes véhiculés par la société. Des filles disent « ça nous intéresse » à leurs professeurs, mais les parents répondent : « il n’y a que les garçons boutonneux qui vont en informatique ». Ce type de réflexion ne devrait plus exister aujourd’hui ! 

On décourage parfois les filles d’accéder à ces formations et ces métiers. Là, c’est au niveau de la formation des enseignants que ça se joue aussi : ils doivent être très proactifs pour ne pas décourager 50 % de la population de s’intéresser aux métiers du numérique. On a besoin de tout le monde ! 

Ce serait bien d’avoir des clubs informatiques dans tous les collèges, pour que les filles puissent se projeter dès la 3ème, puis en seconde, lors de l’orientation et du choix de spécialité. Il faut qu’on accède à la totalité du formidable réservoir d’intelligence dont nous disposons !

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Un article de idruide publié le 20 Jan. 2022
Remerciements & Crédits Pascale Gélébart, directrice de la communication, Pôle Éducation & Référence EDITIS
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