Les lumières à l’ère du numérique (2/3)

Deuxième volet de la série sur les enjeux du rapport sur Les lumières à l’ère numérique, cette fois côté juridique.

Après avoir vu les enjeux des fausses informations sur Internet, intéressons-nous désormais au contexte juridique qui les entoure, grande partie du rapport sur Les lumières à l’ère numérique

La prévention et la lutte contre la diffusion de fausses informations nécessitent la mise en œuvre coordonnée de différents moyens qui, pour la plupart, relèvent plus de l’incitation politique ou de l’autorégulation des acteurs que de normes juridiques contraignantes. Néanmoins, dans un État de droit, il est indispensable que la loi prévoit quelques instruments pour contrecarrer et sanctionner certaines formes graves de cette diffusion, en particulier sur les réseaux numériques.

À côté des dispositions légales assurant la sanction de la désinformation, les auteurs du rapport soulignent qu’il « paraît indispensable de développer les mécanismes de modération et de régulation et d’y soumettre les plateformes numériques qui sont au cœur de la diffusion virale de contenus de désinformation ». Ainsi le renforcement des maigres prérogatives accordées ces dernières années au Conseil supérieur de l’audiovisuel semble nécessaire pour s’assurer de la collaboration des plateformes numériques dans la détection et la suppression rapide des fausses informations susceptibles de troubler l’ordre public et superviser leurs actions en la matière, voire les sanctionner.

À terme, c’est au niveau européen « qu’il est essentiel que la future législation sur les services numériques (Digital Services Act) puisse imposer aux plateformes la mise en œuvre d’une modération effective des fausses nouvelles susceptibles de troubler l’ordre public, quitte à s’appuyer sur une expertise indépendante pour évaluer l’opportunité de retrait des contenus ou de déréférencement en prenant par ailleurs en considération la préservation de la liberté d’expression ».

Diffuser une nouvelle qui se révèle partiellement ou totalement fausse n’est pas en soi, dans un système libéral, un acte répréhensible. Au contraire, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme estime que la possibilité d’exprimer publiquement des propos ou des informations inexactes fait partie intégrante de l’exercice de la liberté d’expression. Celle-ci est protégée par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ConvEDH). Seules des exceptions légalement justifiées par d’autres intérêts majeurs pouvaient permettre d’y déroger.

En droit français, le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision du 18 juin 2020 que s’applique en la matière l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Il serait donc contraire tant à la Constitution qu’aux engagements internationaux de la France de vouloir sanctionner juridiquement toutes les formes de diffusion de fausses informations, ce qui en particulier confondrait gravement la « mésinformation » avec de la « désinformation ». Mais il serait également dangereux d’un point de vue juridique de retenir pour définir les actes de « désinformation » des critères trop larges ou susceptibles d’une interprétation trop extensive.

Cette catégorie de fausses nouvelles que l’on pourra qualifier ci-après de « répréhensible » pour les distinguer de celles dont la diffusion est par principe libre (sauf à répondre de leur abus dans les conditions civiles de droit commun) a déjà été définie en droit français en 1881 lors de l’adoption de la loi relative à la liberté de la presse.

Le caractère répréhensible d’une fausse nouvelle implique donc une triple condition :

  • qu’elle ait fait l’objet d’une communication au public (de quelque manière que ce soit, y compris via un service en ligne) ;
  • qu’elle trouble ou soit de nature à troubler l’ordre public ;
  • que sa diffusion ait été réalisée de mauvaise foi.

D’autres catégories de fausses nouvelles sont visées par des dispositions spéciales :

  • les fausses informations faisant croire à un incident imaginaire (faux sinistre, faux accident, fausse dégradation ou détérioration dangereuse) (article 322-14 du code pénal) ;
  • « l’indication fausse ou trompeuse » pouvant affecter les cours des marchés financiers, ou de leurs indices (articles L.465-3-1 à L.465-3-2 Code monétaire et financier) ;
  • les « allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d’un fait de nature à altérer la sincérité » d’un scrutin électoral (article L. 163-2 Code électoral).
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Un article de idruide publié le 07 Oct. 2022
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