Pour la recherche, le sujet « éducation et numérique » est loin d’être épuisé, parce que le contexte évolue constamment. Plus précisément, cette évolution est la conséquence de trois facteurs, intrinsèques et extrinsèques :

  • le développement de nouvelles approches pédagogiques centrées sur l’apprenant plus que sur la technologie et les effets psychologiques et émotionnels de la médiatisation des apprentissages par la technologie ;
  • les changements de pratiques pédagogiques induites par les innovations technologiques et la question de leur déploiement plus large dans la société ;
  • des attentes sociales et politiques qui se traduisent par des rapports parlementaires successifs, qui aboutissent à des politiques éducatives différentes en fonction des gouvernements. Ces rapports abordent la problématique de l’appropriation des innovations technologiques, de leur mise en œuvre et de l’évaluation de leur plus-value pédagogique.

Ces facteurs sont autant d’éléments qui remettent en question de façon permanente ce qui paraissait évident le jour précédent. Le terrain général de la pédagogie numérique est donc complexe, soumis à de nombreux facteurs, et en constante évolution.

Pour les chercheurs, il faut affronter les problèmes de fond que rencontre le système éducatif français, d’un point de vue des inégalités éducatives en termes d’accessibilité au numérique et aux équipements technologiques, mais aussi de pensée critique. 

Le numérique seul ne saurait en aucun cas résoudre tous ces problèmes. Mais l’étude du numérique dans le parcours éducatif peut contribuer à apporter des éléments de réponse, d’une part par le biais de la formation à la pensée informatique, et d’autre part grâce à des recherches et à de nouveaux usages du numérique pouvant apporter une plus value pédagogique.

Le numérique peut donner support à la médiation de la relation pédagogique, mais aussi à la médiatisation des contenus de formation et des activités d’apprentissage. Bien que le numérique puisse permettre un nouveau support, la relation pédagogique et les pratiques pédagogiques ne sont pas toujours innovantes. 

Ainsi, les principes de classe inversée ou l’apprentissage par le jeu, déjà présents sur des formes traditionnelles, ne sont pas une innovation du point de vue de la relation pédagogique. Toutefois, ils prennent une nouvelle forme avec le support du numérique. La médiatisation par le numérique se retrouve souvent réduite à un outillage numérique permettant de les revisiter, ce que le modèle SAMR (Substitution, Augmentation, Modification, Redéfinition) de Puentedura considère comme un niveau de substitution, où la technologie est simplement utilisée pour effectuer la même tâche qu’auparavant. 

Or l’augmentation, la modification et la redéfinition des pratiques induites par l’usage du numérique laissent entrevoir la capacité d’accompagner le formateur et l’apprenant par la personnalisation des apprentissages. Cette perspective est un moteur important de la dynamique qui se traduit par l’émergence de nombreuses entreprises EdTech.

La France dispose de nombreuses entreprises et startups innovantes, dynamiques et performantes et possède aussi un tissu associatif autour des EdTechs qui se structure. Ces sociétés ont un fort potentiel à l’international. 

Plusieurs entreprises ont recruté et mélangé des talents de l’édition, de la création numérique, du développement informatique, des jeux dits sérieux, de l’intelligence artificielle, ainsi que des experts en ingénierie pédagogique. Mais le constat est que, même si la demande est explicite, le marché public demeure très compliqué, ce qui ralentit les choses. 

Ces mêmes startups qui ont pu expérimenter et développer leur produit en France, souvent grâce à l’Éducation nationale, les vendent plus facilement à l’étranger alors que la nation a largement participé à l’investissement.

L’Homme invente continuellement des technologies pour fabriquer des outils techniques en vue d’améliorer les conditions de son existence. Certaines provoquent des changements importants dans la société, ce qui impose à tous de nouveaux apprentissages pour en tirer profit et ne pas y être aliénés. Une transformation profonde est à l’œuvre dans nos sociétés depuis l’apparition de l’informatique, et des technologies du numérique qui en découlent. Elle nous interroge sur les changements de paradigmes des apprentissages au et par le numérique.

Ainsi, quand l’usage de l’informatique s’est popularisé, son apprentissage a commencé à être interrogé pour comprendre la manière dont les différents outils et services liés à l’informatique devaient être appris et utilisés, pour améliorer les processus d’enseignement et d’apprentissage. De nombreux débats scientifiques sur l’usage du numérique dans les pratiques pédagogiques en ont découlé.

Le numérique ne se substitue pas aux ressources classiques. Au contraire, il complète les usages et élargit la palette pédagogique de l’enseignant, en lui permettant de varier les usages et les exercices des élèves.

Diversifier les supports et les usages pédagogiques permet aussi de développer l’implication des élèves et de favoriser leur autonomie. Des jeux numériques (à l’image de quizz en ligne) jusqu’à la réalité augmentée, les ressources numériques correspondent aux nouveaux moyens de communication du jeune public, à ses centres d’intérêt. Cela motive l’élève et le rend plus attentif en classe et mieux à même d’intégrer les informations qu’il reçoit.

Les ressources numériques permettent aussi de répondre aux besoins éducatifs particuliers des élèves en situation de handicap. Un cinquième de la population souffre en effet de difficultés plus ou moins importantes, qu’elles soient visuelles, auditives, cognitives, etc. Les usages de ces ressources adaptables peuvent apporter des réponses concrètes aux besoins de ces élèves et favoriser la pédagogie différenciée.

La pensée informatique est l’ensemble des notions et des méthodes utilisées explicitement en informatique, pour représenter et résoudre des problèmes, notamment la notion d’algorithme qui y est centrale, mais aussi le traitement des données, les méthodes de résolution de problèmes, etc.

Cette panoplie de notions et de méthodes est utilisable dans d’autres domaines car elle inclut par exemple la capacité à :

  • nommer de manière pertinente les objets en explicitant leur type ou catégorie pour les manipuler correctement ;
  • maîtriser la complexité d’un grand problème ou d’un système en le hiérarchisant ou le scindant en plusieurs sous-problèmes plus simples ;
  • spécifier dans ses moindres détails un procédé pour qu’il puisse s’exécuter sans ambiguïté de manière mécanique, etc.

On parle de pensée informatique pour montrer que l’on ne souhaite pas uniquement initier à la programmation (au sens écrire un programme informatique), mais permettre aux apprenants de prendre du recul par rapport au numérique (y compris de manière techno-critique) et positionner l’apprentissage de l’informatique comme une compétence transversale, pour aider à former des citoyennes et citoyens éclairés.

L’apprentissage de l’informatique doit pouvoir s’accompagner d’une éducation aux médias par le biais de laquelle est développée une pensée critique tant sur des informations diffusées par des médias d’information que sur les processus de création et diffusion de ces informations. Le déferlement de fake news accompagnant cet immense progrès qu’est l’accès de tous à la parole publique, rappelle qu’il doit nécessairement s’accompagner d’un progrès parallèle de la pensée critique : puisque n’importe qui peut désormais s’exprimer publiquement, il devient essentiel que tout le monde sache s’interroger sur la pertinence de ce qu’il lit ou entend.

  • Développer des projets de recherche des sciences du numérique au service de la réussite scolaire. La première question est de s’interroger sur la façon de favoriser la réussite scolaire. Il convient d’y répondre en élaborant des programmes de recherche conjoints avec les sciences cognitives, les sciences de l’éducation et les sciences du numérique fondées notamment sur l’IA, le traitement automatique des langues, la robotique, etc.
  • Développer des méthodologies rigoureuses pour l’évaluation du numérique éducatif. Pour dépasser les limites actuelles, nous recommandons l’intégration d’une démarche d’évaluation dès la phase de conception. Ces évaluations doivent pouvoir décrire de manière claire et détaillée les usages et la situation d’apprentissage au cours de laquelle s’est développée l’évaluation ;
  • Passer à l’échelle dans la formation des enseignants ;
  • Créer les conditions du développement et de la mise à jour de ressources éducatives numériques comme des biens communs. L’accessibilité de toutes les REN (ressources éducatives numériques) relève d’un enjeu éducatif majeur pour assurer que les inégalités éducatives ne s’accentuent du fait des limites d’accessibilité des ressources.
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Un article de idruide publié le 07 Avr. 2022

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