La forme scolaire et le numérique

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Si le numérique interroge les usages pédagogiques, il questionne aussi l’organisation même de l’espace d’apprentissage.

Par forme scolaire, on entend le modèle social et historique de transmission de savoir en France, c’est-à-dire l’organisation culturelle de l’école. Ainsi, d’autres pays ont une autre forme scolaire. Elle englobe également l’aménagement de l’espace, l’organisation temporelle, et la façon d’enseigner. Cette notion a été élaborée dans les années 1980, notamment par le sociologue Guy Vincent, qui développait l’idée d’une histoire au long cours pour l’éducation. 

La visée principale de la forme scolaire est d’assurer une formation pour tous les élèves, quel que soit leur milieu social. 

La question de la forme scolaire s’intéresse aussi aux espaces d’apprentissage, à leur construction, leur gestion. Rosan Bosch, designeuse néerlandaise installée à Copenhague (Danemark), a par exemple défini une typologie d’espaces pour apprendre. Elle articule l’aménagement physique des espaces et des situations d’apprentissages. L’objectif est de créer des espaces stimulants, motivants et énergisants, à la fois pour les élèves et pour les enseignants. « Les espaces physiques d’apprentissages devraient être aussi divers que les personnes qui les côtoient », explique Christophe Caron, chef de projet Forme scolaire au ministère de l’Éducation nationale. 

Les premières expérimentations de Rosan Bosch ont conduit à identifier des besoins fondamentaux récurrents en situation d’apprentissage. Elle a ainsi modélisé cinq espaces correspondant à différentes situations d’enseignement :

  • Le feu de camp, qui répond à des besoins d’apprentissage en petit groupe dans lesquels on peut discuter librement, lancer les projets et produire en coopérant ;
  • Le forum, un espace de communication où une personne face à un groupe présente un sujet, une peinture. Cet espace de présentation ou de performance permet de montrer des objets physiques, de les projeter via une interface numérique. Les gradins offrent un confort d’écoute collective ;
  • Le point d’eau, un lieu ouvert de rencontre occasionnelle d’une durée plutôt courte. C’est un espace de libre circulation facilitant les échanges informels, rapides et d’impulsion. C’est un lieu de médiation et d’interaction fluide ;
  • Le laboratoire est quant à lui un espace dans lequel on peut bouger, utiliser son corps, fabriquer, faire du bruit, manipuler et expérimenter. Évolutif et créatif, il peut répondre à une diversité de projets selon des objectifs d’apprentissage ;
  • Le nid offre un espace privé, isolé pour l’apprentissage, espace de travail individuel et concentré, séparé de l’environnement. Il favorise le retour sur soi, l’entraînement et la réflexivité pour apprendre.

Ces différentes formes pour organiser la classe peuvent se faire avec le mobilier existant, en changeant tout simplement les tables de place. 

L’intégration du numérique dans les salles de classe, que ce soit avec un tableau numérique interactif ou des tablettes individuelles, a un impact sur les espaces d’apprentissage. Ces nouvelles technologies changent la manière d’enseigner et d’apprendre. Un grand chantier de réflexion sur les usages du numérique est en cours, pour tirer pleinement parti de ces nouvelles ressources pédagogiques et étendre le champ des possibles.

Pour les élèves, les grands enjeux sont notamment :

  • être inspiré (lieu de vie inspirant) ;
  • être acteur (lieu de pédagogie active) ;
  • être considéré (lieu de prise en compte de la dimension de bien-être, socialisation, bonheur).

Le numérique permet de faciliter à la fois le travail en autonomie et la collaboration. Couplés à des outils de gestion de classe, les appareils mobiles permettent en effet d’attribuer des tâches spécifiques à des groupes d’élèves en fonction de leurs niveaux, de pousser la pédagogie différenciée, ou encore de trouver de nouveaux moyens de résolution des problèmes. 

« Une étude britannique de 2015 montre qu’un environnement physique stimulant et bien conçu peut augmenter la performance pédagogique des élèves de 16 % sur une année, ce qui est loin d’être négligeable », rappelle Christophe Caron. Cela passe notamment par l’impact des couleurs dans l’espace, la qualité de l’air, l’importance des différentes matières, etc. 

L’introduction du numérique dans le programme et le milieu scolaire permet aussi de développer la créativité pédagogique de l’enseignant. Celui-ci doit s’adapter, se remettre en question, créer des situations d’apprentissage stimulantes pour ses élèves. 

Ce changement de la forme scolaire amène aussi un changement de posture, avec un enseignant plus mobile, qui peut mieux accompagner les élèves de manière individuelle. En évitant de se retrouver seul face à la classe, l’enseignant est aussi plus proche des apprenants, ce qui pousse à l’échange, au dialogue, à l’accompagnement en fonction des besoins variés. Le numérique induit un partage de l’espace, qui s’éloigne de la forme scolaire classique, ce qui mène parfois à des résistances, comme sur la question de la suppression du bureau du professeur, symbole scolaire par excellence. 

Il y a aussi une meilleure réflexion sur le type de pédagogie choisie, puisque le numérique donne du sens aux apprentissages au travers de la pédagogie inversée ou de la pédagogie différenciée.

Dans le cadre des Territoires numériques éducatifs (TNE), Christophe Caron cite l’exemple de l’école de Condé-en-Brie, dans l’Aisne, qui a expérimenté sur l’organisation spatiale en fonction des usages du numérique. 

Il en ressort que l’une des formes qui fonctionnent le mieux est l’organisation en îlots et « feu de camp », avec les tables positionnées en U. L’avantage du feu de camp, c’est qu’il représente un premier pas vers plus d’interactions entre élèves et enseignants, qui sont tous plus actifs au niveau pédagogique. Les moments de production numérique sont notamment facilités par le rassemblement des élèves. Les débats sont aussi plus nombreux. 

La mobilité numérique amène aussi les élèves à se déplacer, ce qui est vu comme positif. En effet, il y a de l’action, donc plus d’investissement des élèves dans l’apprentissage. Marie Bara, enseignante à Toulon et spécialiste des questions de forme scolaire confirme que le mobilier utilisé dans ces espaces d’apprentissage doit permettre cette mobilité et ce choix de posture.

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Un article de idruide publié le 13 Mai 2022
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