Les inégalités et le numérique à l’École
Dans un billet de blog, Bruno Devauchelle, éditorialiste au Café Pédagogique, dresse un constat sombre du numérique éducatif. Des propos à nuancer.
Dans un billet récent, Bruno Devauchelle, chercheur et éditorialiste au Café Pédagogique, dresse un portrait sombre du numérique éducatif et des inégalités que cela entraîne, ou ne parvient pas à combler. « Oui, l’informatique et le numérique confortent les inégalités qui existaient auparavant. Parfois même, ils les amplifient… ou les prolongent », s’inquiète-t-il. « On peut interroger l’attitude du monde scolaire depuis plus de cinquante ans. »
Selon lui, c’est « en hésitant constamment sur les finalités de l’informatique et du numérique à l’école » que les spécialistes des politiques éducatives ont progressivement disqualifié la place de l’école et de ses acteurs au sein de la société.
En guise de pistes pour remédier à ce problème, Bruno Devauchelle souligne que les politiques publiques se sont appuyées sur les trois piliers que sont l’équipement, la formation et les ressources. « Avec l’arrivée du Web se sont ajoutées les infrastructures et surtout la question des contenus accessibles qui par leur ampleur (quantité d’information) et leur fluidité (publications, interactions et commentaires) ont imposé une “éducation à” l’EMI, renforcée depuis le début de l’année 2022 », explique le chercheur.
Selon lui, l’un des principaux soucis réside dans le fait que « les initiatives publiques se sont succédé au fil des ans, donnant l’impression d’une indécision ou plutôt d’un flou décisionnel ». Pendant longtemps, seul le matériel était fourni, signe concret de la réalisation d’une promesse politique, mais non suivie d’effet.
La fracture numérique, qui évoque les inégalités territoriales d’accès à un réseau internet de qualité, était notamment en cause. En France, ce problème est particulièrement visible dans les zones rurales, ce qui complique l’accès à Internet à certains jeunes apprenants.
Mais la question des usages est elle aussi responsable de ces lenteurs dans la transition numérique. Du matériel brut ne donnera rien sans une sensibilisation aux usages des ressources pédagogiques numériques et aux effets bénéfiques qu’elles peuvent apporter pour l’enseignant d’une part (en multipliant ses ressources, par exemple), et aux élèves d’autre part (qui seront plus actifs dans leur parcours pédagogique).
Rayon inégalités, l’illectronisme s’intègre lui aussi dans la thématique plus large de la fracture numérique, qui n’est pas que territoriale, mais aussi sociale. Selon l’Insee, 17% de la population française est concernée par l’illectronisme et contrairement aux idées reçues, le jeune public aussi peut être concerné, notamment dans les familles les plus défavorisées.
Plusieurs actions ont été prises pour réduire ces inégalités grâce au numérique. Parmi elles, le plan des Territoires Numériques Éducatifs. Lancé en septembre 2020, le TNE vise à mieux former les enseignants au numérique, à réduire la fracture numérique entre élèves, et à permettre un accès facilité à des ressources pédagogiques de qualité. Cette expérimentation s’est depuis élargie à de nouveaux départements, portant leur nombre à douze.
Cette fois, l’accent est donc mis sur la formation et une meilleure prise en main des ressources numériques, en fournissant non seulement du matériel, mais en poursuivant le chemin avec des sessions de formation et un accompagnement sur la durée, pour assurer une réussite pérenne de ces projets numériques.
« Le numérique éducatif doit être d’abord une affaire de pratique effective des élèves et non pas de manière privilégiée la pratique des enseignants. Mais pour que cela se développe, il reste encore un long chemin à parcourir. Même si les intentions sont intéressantes, elles restent encore timides », conclut Bruno Devauchelle. De manière un peu trop pessimiste ?