Le numérique éducatif raconté par une enseignante
Nadège Le Nir, Professeure des écoles et enseignante détachée en classe de SEGPA (collège) dans l’Eure.
Pour commencer, d’une académie à l’autre, d’une ville à l’autre, on n’observe pas les mêmes développements numériques. La situation varie en fonction des zones urbaines et rurales, notamment. Mon expérience a commencé en école primaire et se poursuit actuellement dans une classe SEGPA (sections d’enseignement général et professionnel adapté), au collège, le tout en milieu rural.
Nous avons bénéficié de deux plans d’aides au numérique de la part de l’État, donc de nombreuses petites écoles sont équipées, notamment en tableaux numériques interactifs (TNI). Mais en général, nous récupérons surtout des ordinateurs à mettre au fond de la classe.
En milieu rural, la question de la connexion Internet s’est améliorée mais reste parfois compliquée. Peut-être qu’on aura bientôt la fibre, en espérant que les mairies puissent prendre des forfaits pour relier les écoles au réseau.
Dans l’école de mon village, nous avons maintenant un TNI dans chaque classe. Je pense que le confinement a induit une prise de conscience générale de l’intérêt du numérique. Il n’y a plus tellement besoin de convaincre de l’utilité du numérique en classe. Le déploiement de matériel informatique s’est accéléré, même si le changement a surtout eu lieu dans les mentalités.
J’ai toutefois remarqué une nette différence entre écoles et collèges. Les moyens ne sont pas les mêmes, les écoles étant financées par les communes, les collèges par les départements. Le collège est plus indépendant et dépense plus son budget comme il l’entend. Du coup, en SEGPA, j’avais déjà un ordinateur, un vidéoprojecteur…
Pour ma part, je suis plutôt « accro » au numérique. Je prépare mes élèves à s’en servir, en leur présentant une partie éducative sur les usages du numérique, sur la charte du numérique, comment protéger ses données… Ces éléments sont d’ailleurs au programme dès la primaire.
Après la préparation des élèves, j’utilise le numérique pour leur faire réaliser des recherches ou encore de la création. Nous faisons ainsi des posters interactifs, à partager, ou encore des nuages de mots à la fin d’une séance, pour voir ce que les élèves ont retenu.
J’ai également un projet « tweet classe », sur Twitter, pour leur apprendre à appréhender les usages des réseaux sociaux, sur lesquels ils passent une partie de leur temps libre, mais de manière moins productive.
On peut même aller vers de la création audio, ou encore de la vidéo. Ma collègue documentaliste la pratique et anime même une web radio avec des collégiens.
Quoiqu’il arrive, je pense à ma séance en amont. Je définis ce qu’ils doivent apprendre, puis je vais ensuite chercher comment atteindre ce but. C’est là que je vais voir s’il peut être atteint avec l’aide du numérique. Je ne veux pas faire du tout numérique ou du tout papier. J’aime doser les usages, montrer aux élèves qu’il n’y a pas que les réseaux sociaux dans la vie.
De manière positive ! Le numérique leur parle, ils connaissent. C’est proche d’eux, donc il y a une motivation supplémentaire. C’est flagrant dans ma classe de SEGPA : les élèves demandent même à utiliser les tablettes.
Ils sont à l’aise dans le maniement des appareils, mais c’est vrai qu’il faut les cadrer sur les usages, s’assurer qu’ils ne regardent pas des vidéos en ligne pendant un cours. À ce titre, le filtrage de la navigation par Web Secure est très intéressant.
Mais les enfants ont l’habitude des écrans dès la primaire. Les TNI ont beaucoup de succès dans le premier degré. Quoi de mieux pour un enfant que d’aller au tableau pour faire bouger des choses sur un écran ?
L’apprentissage des bases, comme le travail en groupe, est essentiel avant d’utiliser le numérique en classe. Il faut leur inculquer ces notions pour qu’ils développent des soft skills, des compétences « douces ».
Ce n’est pas intuitif pour tout le monde. Il y a encore peu, l’essentiel des formations pour les enseignants concernait le traitement de texte. D’ailleurs les formations ne sont pas automatiques, il faut souvent se débrouiller tout seul, ce qui est compliqué quand on n’est pas forcément convaincu par l’usage du numérique et qu’on ne maîtrise pas ces outils.
Encore une fois, je dirais que depuis le premier confinement, 80 % des enseignants sont désormais conscients de l’intérêt des usages numériques. Cela s’est notamment traduit par une explosion des inscriptions dans des webinaires pour se former. Il y a aussi plus de formations sur des logiciels spécifiques, en géométrie par exemple.
Parallèlement, il existe aussi des collectifs de professeurs « connectés ». Les échanges sont nombreux, notamment sur Twitter, qui est un peu une salle des profs « geeks » ! Dès que quelqu’un pose une question, même pointue, un autre membre répond dans les minutes qui suivent.
Au début, des enseignants créaient eux-mêmes des ressources pédagogiques numériques. Ceux qui s’y connaissaient en informatique élaboraient des applications pour appuyer leur projet pédagogique, puis cela s’est institutionnalisé. Désormais, nous avons des bases de données de ressources pédagogiques, via le réseau Canopé notamment.
Ces ressources multiplient les usages, les moyens pédagogiques.