L’intelligence collective dans les TNE
Les Territoires numériques éducatifs sont un laboratoire pour rapprocher les acteurs du numérique éducatif et développer leurs échanges, pour renforcer et accélérer une transition numérique réussie et responsable.
L’un des facteurs déclenchant du dispositif des Territoires numériques éducatifs (TNE) était de répondre à la continuité pédagogique et de réduire la fracture numérique. D’autres enjeux en ont découlé, comme le fait d’utiliser les outils numériques pour enrichir les pratiques pédagogiques, afin d’améliorer le niveau général des élèves.
Selon Emmanuel Page, directeur du projet TNE au réseau Canopé : « L’enjeu premier de la réussite de ce projet, c’est bien la réussite des utilisateurs. Cela passe par un meilleur usage du numérique, afin de faciliter la vie de l’enseignant et de lui permettre d’incorporer le numérique dans son programme pédagogique. »
Cela passe notamment par un dialogue constant entre les différents acteurs du plan. Il est ainsi nécessaire de prendre en compte l’ensemble des besoins des utilisateurs, tout en s’adaptant en fonction des spécificités de chaque territoire.
« Pour aller loin et sur la durée, il y a un besoin impératif de travail en commun, d’amener les différents acteurs autour de la table pour échanger, s’écouter », explique Emmanuel Page. « Il s’agit de pousser plusieurs organisations à entamer une réflexion commune, puis de se lancer dans une dynamique de transformation pour sortir du système cloisonné actuel. Il est important d’avoir une diversité d’opinions, une indépendance d’esprit, une décentralisation, et surtout de la co-construction pour des projets de cette ampleur. À plusieurs, on permet d’agréger les propositions de chacun ! ».
Sur les deux premiers départements de l’expérimentation, l’Aisne et le Val d’Oise, Canopé et les enseignants des établissements concernés ont construit ensemble des espaces de formation pour orienter la prise en main du matériel. Cela a nécessité de rassembler l’ensemble des acteurs, au niveau pédagogique, administratif, politique, ou encore technologique.
Dans l’Aisne notamment, la Délégation académique au numérique éducatif (DANE) a pris l’initiative avec Canopé de fédérer ces acteurs sur la mise en place concrète du dispositif TNE dans le département. Cela permet d’avoir un cadre commun à partir duquel traduire le projet dans les faits. C’est l’un des principaux enseignements qui a été retenu de l’expérimentation : « Il faut organiser un temps de rassemblement pour lancer et co-construire la façon dont TNE va se déployer sur l’ensemble du territoire », confirme Emmanuel Page.
Cette politique des TNE est portée par le secrétariat général pour l’investissement (SGPI), qui dépend du Premier ministre. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large autour de la formation, qui va de la maternelle à l’université, puis en suivant les actifs tout au long de leur vie professionnelle.
Ce projet a toutefois une portée inter-ministérielle, qui s’étend à la collaboration avec les collectivités. Mireille Brange, coordinatrice nationale de la stratégie enseignement et numérique au SGPI, explique que « la condition des TNE, c’est de laisser la main aux acteurs de terrain pour monter les projets en fonction de leurs besoins », soulignant ainsi l’aspect de décentralisation compris dans les TNE.
La co-construction du dispositif a été menée avec des opérateurs comme la Banque des territoires, Canopé, ou encore la Trousse à projets, une plateforme solidaire de financement participatif des projets des enseignants et de leurs élèves.
« Les territoires apprennent les uns des autres. C’est tout l’enjeu des expérimentations, avec leur lot de réussites et de points à abandonner. Il s’agit d’apprendre les uns des autres », abonde le directeur du projet TNE au réseau Canopé.
Claudie Martens, directrice à la Trousse à projets, explique que dans les TNE, l’objectif de son organisation est d’accompagner les parents les plus éloignés des usages numériques scolaires vers de plus grandes compétences et une meilleure connaissance de ce domaine.
« Il faut que les parents soient liés et impliqués dans l’accélération de la transition numérique, sinon les élèves vont rester sur le carreau », détaille-t-elle. « L’Éducation nationale ne peut pas tout faire. Il faut donc de la médiation numérique pour sensibiliser les parents. Cela passe notamment par les acteurs de la parentalité dans les territoires : les centres sociaux, les collectivités, etc. Dans les départements tests, tous ces acteurs ont travaillé ensemble pour accompagner les parents. »
Cette offre d’accompagnement doit être adaptée localement, car certains élèves ont un ENT, d’autres non. « Il faut un accompagnement spécifique, et cela se construit par des réunions des acteurs de l’écosystème du numérique éducatif et une véritable coopération », conclut-elle.
Les apports de la recherche peuvent eux aussi renforcer les méthodes pédagogiques. Ainsi, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) n’est pas intégré directement dans TNE, mais il se place à la pointe dans la stratégie d’accélération du numérique dans l’éducation.
Pour Muriel Brunet, responsable du programme Éducation et Numérique Pilote pour INRIA, la recherche est « un axe de collaboration très concret avec les TNE, notamment pour savoir comment mieux réussir à former les enseignants au numérique et aux nouveaux usages pédagogiques induits par ces nouvelles technologies ».
Il existe en effet tout un travail scientifique autour des données et des intelligences artificielles sur les usages des enseignants et des élèves. « Cela doit permettre de réussir à identifier les indicateurs qui vont aider Canopé à mieux cibler ses missions, la DNE à mieux élaborer ses outils, la Trousse à projets sur les meilleurs moyens d’impliquer les parents, etc. Les TNE sont des terrains idéaux pour mettre en place cette collaboration et cette co-construction ! », se réjouit Muriel Brunet.